Le 24 janvier 2014, la Chambre mixte de la Cour de cassation s’est prononcée sur la position divergente de la deuxième chambre civile et de la chambre criminelle quant à la question de savoir si la preuve de la fausse déclaration d’un souscripteur en matière d’assurance peut être rapportée par la signature de formulaires pré-imprimés renvoyant aux déclarations contenues dans les conditions particulières du contrat.
Il faut rappeler qu’afin de permettre à l’assureur d’évaluer le risque qu’il s’apprête à garantir, la loi a prévu qu’il doit poser des questions à l’assuré. Ce dernier, en application de l’article L 113-2 du Code des assurances, doit :
« répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ».
Le non-respect de cette obligation est sanctionné notamment par l’article L113-8 du Code des assurances qui prévoit que :
« Indépendamment des causes ordinaires de nullité (…), le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre ».
La question qui se pose alors est celle de savoir sous quelles conditions l’assureur est en droit d’opposer la nullité de son engagement pour «
fausse déclaration intentionnelle » de l’assuré.
Précisément, une fausse déclaration intentionnelle de l’assuré peut-elle se déduire de l’inexactitude des déclarations de celui-ci, reportées sur les conditions particulières de la police signées par lui, après la mention préalable «
Lu et approuvé ».
La position de la chambre criminelle est fixée depuis un arrêt du 10 janvier 2012 aux termes duquel elle a jugé que l’article L 112-3 alinéa 4 du Code des assurances :
« implique, quelle que soit la technique de commercialisation employée, que les questions que l’assureur entend, au regard des éléments qui lui ont été communiqués, devoir poser par écrit, notamment par voie de formulaire, interviennent dans la phase pré-contractuelle, ce qu’il doit prouver en les produisant avec les réponses qui y ont été apportées, pour établir que l’assuré a été mis en mesure d’y répondre en connaissant leur contenu ».
L’assureur
« ne peut se prévaloir ni des conditions particulières, contiendraient-elles, sous une rubrique intitulée « déclaration » des dispositions présentées sous une forme impersonnelle, comme se rapportant à des renseignements prétenduement communiqués par l’assuré, ni d’une attestation recueillie de l’assuré postérieurement à la signature de la police, pour apporter la preuve de l’antériorité des questions qu’il est autorisé à poser par écrit à l’assuré avant la conclusion du contrat » (
Crim. 10 janvier 2012, Bull. crim. n° 3).
À l’inverse, la 2
ème chambre civile considère qu’il suffit à l’assureur de démontrer qu’il a interrogé l’assuré au besoin oralement, que celui-ci a menti sur une circonstance et que ce mensonge a modifié l’appréciation par l’assureur du risque qu’il s’engageait à garantir (
Cass. 2ème civ. 29 avr. 2004, no 03-10.655, RGDA 2004. 610, note J. Landel ;
Cass. 2ème civ. 19 février 2009, Bull. II, n° 48).
Afin de résoudre la divergence de jurisprudence qu’elle connaît avec la 2
ème chambre civile de la
Cour de cassation, et puisque le pourvoi qu’elle devait juger portait sur un arrêt de chambre d’appel correctionnel qui avait justement fait une stricte application de la position de cette chambre civile pour estimer que la nullité de la garantie opposée par la société d’assurance devait être accueillie, la chambre criminelle a décidé dans son délibéré du 18 juin 2013 de renvoyer l’affaire en chambre mixte.
C’est ainsi que les première, deuxième et troisième chambres civiles, outre la chambre criminelle seront amenées dans le cadre du délibéré fixé au 7 février prochain à trancher cette difficulté et harmoniser leur point de vue.
Nous vous tiendrons bien sûr informés de la manière dont la Chambre mixte tranchera cette divergence.
Catherine Bauer-Violas