Il a déjà été exposé que la radiation du rôle du
pourvoi en cassation est une mesure d'administration judiciaire que peut prendre le premier président de la
Cour de cassation ou son délégué en application des articles 1009-1 et suivants du code de procédure civile (cf. rubrique «
le Cabinet vous informe », note du 1
er mars 2013).
« Hormis les matières où le pourvoi empêche l’exécution de la décision attaquée, le premier président ou son délégué décide, à la demande du défendeur et après avoir recueilli l’avis du procureur général et les observations des parties, la radiation d’une affaire lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à moins qu’il ne lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que le demandeur est dans l’impossibilité d’exécuter la décision ».
Pour éviter que la radiation ne soit prononcée, même s’il rencontre de très grandes difficultés financières, le demandeur au pourvoi doit manifester sa volonté de déférer aux causes de la décision attaquée et démontrer que leur exécution pleine et entière engendrerait des conséquences manifestement excessives.
Cela étant
, par une ordonnance non publiée, dont les termes sont rapportés ci-après, la
Cour de cassation a apporté une nouvelle précision quant aux circonstances dans lesquelles, elle peut être amenée à ne pas appliquer une telle mesure.
« Il résulte des documents fournis, d’une part que les époux X se trouvent dans l’impossibilité d’exécuter les condamnations pécuniaires prononcées à leur encontre eu égard à la disproportion entre le montant de la condamnation et leurs faibles ressources, d’autre part, qu’il est justifié de l’exécution des condamnations autres que pécuniaires » (Ord. n° 90188 du 13 février 2014).
Il ressort de cette ordonnance que, dès lors que sont prononcées des condamnations pécuniaires et autres que pécuniaires (par exemple : obligation de faire ou de ne pas faire), le demandeur au pourvoi peut n’exécuter que ces dernières,
sans encourir une radiation de son pourvoi, s’il justifie de l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’exécuter les condamnations financières.
A cette fin, il doit prouver qu’il y a
disproportion entre le montant de la condamnation et ses faibles ressources.
Sur ce point, il semble qu’il y ait une évolution de la première présidence qui a pour habitude de se référer «
aux conséquences manifestement excessives » qu’emporterait l’exécution des causes de l’arrêt attaqué.
Cette évolution semble trouver son origine dans les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme qui, faisant application de l’article article 6, § 1er de la Convention Européenne des droits de l’homme relatif au droit d’accès au juge, procède à une appréciation
in concreto de la situation financière du requérant, afin de vérifier si la radiation du rôle d’un pourvoi ou le refus de l’y réinscrire constitue une entrave disproportionnée à son droit d'accès à la
Cour de cassation (CEDH, 14 novembre 2000,
n° 31819/96 et 33293/96 Annoni di Gussola et a. c/ France (plus particulièrement § 53) ; CEDH 25 septembre 2003, n°
50343/99, Pages c. France (plus particulièrement § 31) , CEDH, 14 novembre 2006,
n° 348/03, Ong c/ France ; CEDH, 9 septembre 2013, n° 27338/11, Gray c/ France).
Il convient donc d’en tirer quelques conséquences pratiques pour le demandeur au pourvoi, confronté à une requête en radiation du rôle alors qu’il rencontre de réelles difficultés financières.
L’intéressé doit fournir, à son Avocat aux conseils, tous les éléments de preuve relatifs à ses revenus ainsi qu’à ses charges financières, afin que ce dernier puisse démontrer et faire utilement valoir la disproportion existant entre le montant des condamnations et ses ressources.
Dans une seconde ordonnance non publiée, dont les termes sont rapportés ci-après, la
Cour de cassation a apporté une nouvelle précision quant aux circonstances dans lesquelles, en cas de restitution partielle des sommes dues, la radiation n’est pas prononcée.
Il arrive en effet fréquemment que le demandeur au pourvoi n’exécute que partiellement les causes de la décision frappée de pourvoi, de sorte que l’issue de la procédure de radiation est incertaine.
«
Il résulte des pièces produites que le demandeur au pourvoi a manifesté sa volonté non équivoque de déférer à l'arrêt attaqué en procédant au remboursement quasi-total des sommes, la différence ne portant que sur des intérêts qui ne sont pas susceptibles de justifier une mesure de radiation » (Ord. n° 90185 du 13 février 2014).
Il ressort de cette ordonnance que, dès lors que les condamnations pécuniaires principales ont été exécutées, le défendeur au pourvoi ne peut se fonder sur le non remboursement des intérêts y afférents pour solliciter la radiation du rôle.
Ainsi, le non-paiement des intérêts, attachés à une condamnation principale, n’est pas susceptible de justifier à lui seul une mesure de radiation.
Nathalie Etcheverry