Par un arrêt en date du 21 mai 2014 (
Req. n°354804), le Conseil d'Etat a étendu aux
expropriations entreprises afin de constituer des réserves foncières en application de l’article L. 221-1 du Code de l’urbanisme, la solution qu'il avait dégagée en matière de
décision de préemption prise par une commune pour un projet d’aménagement dans une décision Commune de Meung-sur-Loire (CE, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 7 mars 2008, Req.
n° 288371, Lebon p. 97).
Pour mémoire, les réserves foncières constituent l'un des outils anti-spéculatif mis à la disposition des personnes publiques, en ce qu’elles permettent l'acquisition à l'avance de terrains dans une zone où - si une direction générale a été donnée en matière d'aménagement - l'exacte affectation desdits terrains n'a pas encore été définie.
Il s'agit d'éviter que l'utilisation immédiate de ces terrains fasse obstacle à la réalisation ultérieure envisagée par la personne publique.
Le Conseil d’Etat juge donc ici que les personnes publiques peuvent constituer des réserves foncières par voie d'expropriation si, à la date d'engagement de la procédure,
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d'une part, "si elles justifient, à la date à laquelle la procédure de déclaration d'utilité publique est engagée, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date,"
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et d'autre part, "si le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique fait apparaître la nature du projet envisagé, conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique".
De plus, comme en matière de droit de préemption, le Conseil d'Etat exerce un contrôle de l'appréciation portée par les
juges du fond quant à l'existence d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens des articles L. 221-1 et L. 300-1 du Code de l'urbanisme, ce contrôle pouvant donc le conduire à censurer, une erreur de qualification juridique.
Et dans le cadre de ce contrôle approfondi, il a considéré qu'au regard des pièces du dossier, la Cour avait inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que la Communauté d'agglomération de Montpellier n'avait pas justifié avoir poursuivi une telle action ou opération d'aménagement.
En effet, la procédure concernait un ensemble de terrains en friches non équipés et non viabilisés, d'une superficie de moins de 4 hectares, situés dans une zone destinée à l'implantation d'activités.
Dans cette zone, la communauté d'agglomération de Montpellier, requérante, avait créé une zone d'aménagement concerté (ZAC) "Parc 2000" qu'elle avait étendu en 2006 en créant une seconde ZAC.
La notice explicative jointe aux dossiers d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et d'enquête parcellaire indiquait
- que la communauté d'agglomération de Montpellier avait pour projet de "
réserver les terrains en cause pour garantir la réalisation d'un aménagement conforme à la vocation de la zone" ;
- que "
l'aménagement de cette zone serait réalisé dans le cadre du développement économique de l'agglomération, après définition d'un schéma d'aménagement d'ensemble qui viserait notamment la structuration urbaine des abords de l'avenue Pablo Neruda et pourrait, en outre, accueillir des équipements publics et privés, ainsi que des programmes de logements, en particulier dans sa partie sud qui devrait être directement desservie par la troisième ligne de tramway".
Par conséquent, le Conseil d'Etat a considéré qu'en jugeant que la communauté d'agglomération de Montpellier ne justifiait pas poursuivre une action ou une opération d'aménagement au sens des articles L. 221-1 et L. 300-1 du Code de l'urbanisme, la cour avait commis une erreur de
qualification juridique des faits.
En conséquence, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 10 octobre 2011 et renvoyé l'affaire à la Cour administrative d'appel de Marseille.
Antoine Prim (stagiaire) et
Denis Garreau