12 avril 2013 - L'inopérance d'un moyen nouveau en cassation - Clément Bariéty

Un récent arrêt du Conseil d’Etat en date du 20 février 2013 (CE 20 février 2013, Req. n°336594) faisant application d’une jurisprudence née d’un revirement survenu en 2010 en matière de procédure de cassation, fournit l’occasion de revenir sur la solution retenue par la Haute Assemblée.
 
Jusqu’ici, depuis un arrêt de section du 6 décembre 1974 (Ministre des anciens combattants c/ Rondot, Rec. n°95428), un moyen présenté pour la première fois en cassation était regardé comme irrecevable.
 
En 2010, dans un arrêt du 24 novembre, le Conseil d’Etat considérait cependant qu’un moyen invoqué pour la première fois devant le juge de cassation qui n’est pas né de l’arrêt ou du jugement attaqué et qui n’est pas d’ordre public, est inopérant et non irrecevable (CE 7/2 SSR, 24 novembre 2010, Commune de LYON, n° 325195, T. 922).
 
Dans cette dernière décision, le fichage indiquait clairement le revirement puisqu’il précisait :
 
« PROCEDURE. VOIES DE RECOURS. CASSATION. CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION. – MOYEN NOUVEAU EN CASSATION – MOYEN INOPERANT. Ab. jur, en tant qu'elle écarte un tel moyen comme irrecevable, Section, 6 décembre 1974, Min. des anciens combattants c/ Sieur Rondot, n°95428 ».
 
Adoptant une formulation identique dans les arrêts des 20 février 2013 et 24 novembre 2010, le Conseil d’Etat marque discrètement, mais clairement l’inopérance du moyen.

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Lyon que n'a pas été invoquée devant elle de stipulation contractuelle mettant à la charge de l'entreprise les sujétions découlant des exigences techniques des organismes de sécurité ; que par suite le moyen tiré par la COMMUNE DE LYON de ce que la cour administrative d'appel de Lyon aurait dénaturé de telles stipulations en estimant que la charge de la fourniture de dispositifs de fermeture de porte pour les cloisons CV 5 répondant aux prescriptions de la commission de sécurité formulées en cours de chantier n'incombait pas à l'entreprise est sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué » (esp. 24 novembre 2010).
 
« Considérant enfin que, si la société de distribution Casino France SAS soutient que l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2004 méconnaît les dispositions de l'article 85 du Traité de Rome et qu'il est irrégulier en ce que, d'une part, il prévoit une règle à durée indéterminée alors que l'accord préalable n'était conclu que pour un an et, d'autre part, que la commission créée à l'article 4 en vue d'assurer l'exécution et le suivi de l'arrêté ne s'est jamais réunie et qu'aucun bilan n'a été dressé, ces moyens sont, en tout état de cause, nouveaux en cassation et, par suite, sans incidence sur la bien-fondé de l'arrêt qu'elle attaque » (esp. 20 février 2013).
 
 
En tout cas, il faut sans doute déduire de cette jurisprudence qu’il n’y a pas lieu pour le Conseil d’Etat d’informer préalablement les parties, en application de l’article R. 611-7 du Code de justice administrative, qu’il entend opposer la nouveauté d’un moyen soulevé devant lui, alors qu’il est tenu de le faire s’agissant d’un moyen considéré comme irrecevable (CE 5/3 SSR, 14 février 1997, CHARTIER, n° 152641).


Clément Bariéty